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existence dans ses terres, Christiane et Gontran, élevés dans le château familial, au milieu des fiers et gros fermiers normands qu’on recevait quelquefois à table, suivant l’usage, et dont les enfants, camarades de première communion, étaient traités par eux familièrement, savaient parler à cette petite campagnarde aux trois quarts mondaine déjà, avec une franchise amicale, un tact cordial et sûr qui éveillait tout de suite en elle une assurance gaie et confiante.

Andermatt et Louise revenaient, ayant été jusqu’au village et ne voulant point y pénétrer.

Et tout le monde s’assit au pied d’un arbre, sur l’herbe du fossé.

Ils restèrent là longtemps, causant doucement, de tout et de rien, dans une languissante torpeur de bien-être. Parfois une charrette passait, toujours traînée par les deux vaches dont le joug inclinait et tordait les têtes, et toujours conduite par un paysan au ventre creux, coiffé du grand chapeau noir, dirigeant les bêtes du bout de sa mince baguette avec des mouvements de chef d’orchestre.

L’homme se découvrait, saluant les petites Oriol ; et les fillettes répondaient par un « bonjour » familier, jeté de leurs voix jeunes.