Page:Maupassant - Monsieur Parent.djvu/213

Cette page a été validée par deux contributeurs.

mène une existence agréable et princière, voilà tout.

Il murmura : « Je l’aime » comme s’il eût dit : « Je vais mourir. » Puis, brusquement : — Ah ! pendant trois ans ce fut une existence effroyable et délicieuse que la nôtre. J’ai failli la tuer cinq ou six fois ; elle a tenté de me crever les yeux avec cette épingle que vous venez de voir. Tenez, regardez ce petit point blanc sous mon œil gauche. Nous nous aimions ! Comment pourrais-je expliquer cette passion-là ? Vous ne la comprendriez point.

Il doit exister un amour simple, fait du double élan de deux cœurs et de deux âmes ; mais il existe assurément un amour atroce, cruellement torturant, fait de l’invincible enlacement de deux êtres disparates qui se détestent en s’adorant.

Cette fille m’a ruiné en trois ans. Je possédais quatre millions qu’elle a mangés de son air calme, tranquillement, qu’elle a croqués avec un sourire doux qui semblait tomber de ses yeux sur ses lèvres.