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besognes aux mêmes heures.



Parlons des chefs maintenant.

Les quelques inconnus d’avant-hier qui, hier, se sont réveillés ministres n’ont pas pu ressentir un plus violent affolement d’orgueil qu’un vieil employé nommé chef. Lui, l’opprimé, l’humilié, le triste obéissant, il commande, il en a le droit, — et il se venge. Il parle haut, durement, insolemment, et les subordonnés s’inclinent.

Il faut excepter certains ministères comme celui de l’instruction publique, où d’anciennes traditions de bienveillance et de courtoisie ont été jusqu’ici conservées. D’autres sont des galères. J’ai cité celui de la marine ; j’y reviens. J’y ai passé, je le connais. Là-dedans on a le ton de commandement des officiers sur leur pont.

Il n’est pas le seul ; d’ailleurs, rien n’égale la morgue, l’outrecuidance, l’insolence de certains pions parvenus, dont l’ancienneté a fait des rois de bureau, des despotes au rond de cuir.

L’ouvrier insulté par le contremaître retrousse ses manches et frappe du poing. Puis il ramasse ses outils et cherche un autre chantier. Un employé un peu fier serait sans pain le lendemain, et pour longtemps, sinon pour toujours.

Dernièrement, un ministre prenant possession de son département prononçait à peu près ces paroles devant les « hauts fonctionnaires » de son administration, les chefs et les employés : « Et n’oubliez pas, messieurs, que j’exige votre estime et votre obéissance : votre estime, parce que j’y ai droit ; votre obéissance, parce que vous me la devez ».