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Quelles douleurs profondes, quelles lésions du cœur, désespoirs cachés, blessures brulantes poussent au suicide ces gens qui sont heureux ? On cherche, on imagine des drames d’amour, on soupçonne des désastres d’argent et, comme on ne découvre jamais rien de précis, on met sur ces morts, le mot « Mystère ».

Une lettre trouvée sur la table d’un de ces « suicidés sans raison », et écrite pendant la dernière nuit, auprès du pistolet chargé, est tombée entre nos mains. Nous la croyons intéressante. Elle ne révèle aucune des grandes catastrophes qu’on cherche toujours derrière ces actes de désespoir; mais elle montre la lente succession des petites misères de la vie, la désorganisation fatale d’une existence solitaire, dont les rêves sont disparus, elle donne la raison de ces fins tragiques que les nerveux et les sensitifs seuls comprendront.

La voici :


« Il est minuit. Quand j’aurai fini cette lettre je me tuerai. Pourquoi? je vais tâcher de le dire, non pour ceux qui liront ces lignes, mais pour moi-même pour renforcer mon courage défaillant, me bien pénétrer de la nécessité maintenant fatale de cet acte qui ne pourrait être que différé.