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Donc cette femme étrangère, inconnue, rencontrée par hasard dans un wagon était à lui, lui appartenait de par la loi. Il n’avait qu’à dire : « Je veux ».

Il avait jadis dormi dans ses bras, vécu dans son amour. Il la retrouvait maintenant si changée qu’il la reconnaissait à peine. C’était une autre et c’était elle en même temps : c’était une autre, née, formée, grandie depuis qu’il l’avait quittée ; c’était elle aussi qu’il avait possédée, dont il retrouvait les attitudes modifiées, les traits anciens plus formés, le sourire moins mignard, les gestes plus assurés. C’étaient deux femmes en une, mêlant une grande part d’inconnu nouveau à une grande part de souvenir aimé. C’était quelque chose de singulier, de troublant, d’excitant, une sorte de mystère d’amour où flottait une confusion délicieuse. C’était sa femme dans un corps nouveau, dans une chair nouvelle que ses lèvres n’avaient point parcourus.

Et il pensait, en effet, qu’en six années tout change en nous. Seul le contour demeure reconnaissable, et quelquefois même il disparaît.

Le sang, les cheveux, la peau, tout recommence, tout se reforme. Et quand on est demeuré longtemps sans se voir, on retrouve un autre être tout différent,