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pect de son visage que la nuit change si fort, si fort, quand on atteint un certain âge.

Le grand poète a dit :

Quand on est jeune on a des matins triomphants.

Quand on est jeune, on a de magnifiques réveils, avec la peau fraîche, l’œil luisant, les cheveux brillants de sève.

Quand on vieillit, on a des réveils lamentables. L’œil terne, la joue rouge et bouffie, la bouche épaisse, les cheveux en bouillie et la barbe mêlée donnent au visage un aspect vieux, fatigué, fini.

Le baron avait ouvert son nécessaire de voyage et il rajusta sa physionomie en quelques coups de brosse. Puis il attendit.

Le train siffla, s’arrêta. Le voisin fit un mouvement. Il était sans doute réveillé. Puis la machine repartit. Un rayon de soleil oblique entrait maintenant dans le wagon et tombait juste en travers du dormeur, qui remua de nouveau, donna quelques coups de tête comme un poulet qui sort de sa coquille, et montra tranquillement son visage.

C’était une jeune femme blonde, toute fraîche, fort jolie et grasse. Elle s’assit.