Page:Maupassant - Les Inconnues, paru dans Le Gaulois, 13 février 1881.djvu/10

Cette page a été validée par deux contributeurs.

» Je fus atterrée ; j’écrivis de nouveau : il refusa encore. Il fallait, disait-il, garder toutes nos illusions, que la réalité détruit toujours. La connaissance de nos êtres diminuerait l’intimité de nos cœurs. Nous nous aimions si bien que nous ne pouvions que troubler ces délicates et tendres relations.

» Enfin, il ne vint pas.

» Je retournai dans ma province, un peu attristée, et je continuai à lui envoyer toutes mes pensées. Quant à lui, il semblait même devenu plus affectueux, plus expansif.

» Je retournai à Paris, où je me fixai cette fois ; et, un jour, je reçus une lettre où il me demandait d’une façon détournée, discrète, quelques détails sur… ma personne. Il avait peur que je ne fusse laide !

» J’étais jolie, monsieur, je puis bien le dire maintenant, très jolie même ; et je lui envoyais une description vraie de moi… jusqu’à la taille.

» Le lendemain, mon domestique lançait son nom dans mon salon, son nom illustre et bien-aimé.