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LE RESPECT



Parmi les maladies constitutionnelles de l’esprit français, le Respect est une des plus funestes et des plus invétérées. Aussi quand j’entends des vieilles gens, ces vieilles gens à souvenirs bégayés, à traditions et à idées courtes, répéter en hochant le front : « Le respect s’en va ; le respect s’en va ! » — je ne puis m’empêcher de penser : « Eh bien, qu’il s’en aille ! »

Le respect est l’hommage dont nous devrions être le plus avares ; c’est au contraire celui que nous prodiguons le plus. Nous respectons à tort et à travers, sans mesure, sans raison, confondant le respect avec la platitude.

Aussi, dût-on me traiter de « sapeur de bases » — je veux une fois dire ce que je pense sur toutes les choses que nous respectons, et commencer par une anecdote que la mort du prince Pierre Bonaparte vient de me remettre en mémoire.