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PAR UN SOIR DE PRINTEMPS

jusqu’à l’étang. Ils se serraient les doigts et ne parlaient plus, comme sortis d’eux-mêmes, mêlés à la poésie visible qui s’exhalait de la terre. Jeanne tout à coup aperçut dans le cadre de la fenêtre la silhouette de la vieille fille que dessinait la clarté de la lampe.

— Tiens, dit-elle, tante Lison qui nous regarde.

Jacques leva la tête.

— Oui, reprit-il, tante Lison nous regarde.

Et ils continuèrent à rêver, à marcher lentement, à s’aimer.

Mais la rosée couvrait l’herbe. Ils eurent un petit frisson de fraîcheur.

— Rentrons maintenant, dit-elle.

Et ils revinrent.

Lorsqu’ils pénétrèrent dans le salon, tante Lison s’était remise à tricoter ; elle avait le front penché sur son travail, et ses petits doigts maigres tremblaient un peu comme s’ils eussent été très fatigués.

Jeanne s’approcha :

— Tante, nous allons dormir, maintenant.

La vieille fille tourna les yeux. Ils étaient rou-