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APRÈS

coups épouvantables, des blessures douloureuses, mortelles. Au lieu de nourrir, comme tous les hommes, l’espérance heureuse du lendemain, j’en gardais seulement la crainte confuse et je sentais en moi une envie de me cacher, d’éviter ce combat où je serais vaincu et tué.

Mes études finies, on me donna six mois de congé pour choisir une carrière. Un événement bien simple me fit voir clair en moi tout à coup, me montra l’état maladif de mon esprit, me fit comprendre le danger et me décida à le fuir.

Verdiers est une petite ville entourée de plaines et de bois. Dans la rue centrale se trouvait la maison de mes parents. Je passais maintenant mes journées loin de cette demeure que j’avais tant regrettée, tant désirée. Des rêves s’étaient réveillés en moi et je me promenais dans les champs tout seul pour les laisser s’échapper, s’envoler.

Mon père et ma mère, tout occupés de leur commerce et préoccupés de mon avenir, ne me parlaient que de leur vente ou de mes projets possibles. Ils m’aimaient en gens positifs, d’esprit pratique, ils m’aimaient avec leur raison bien