Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/301

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
297
ÉTRENNES

persistes, je demande ma part de cette folie, et même je l’exige.

— Ça n’est pas naturel de changer d’avis si vite.

— Écoute, ma chère amie. Il ne s’agit ici ni de sacrifice ni de dévouement. Le jour où j’ai compris que je t’aimais, je me suis dit ceci, que tous les amoureux devraient se dire dans le même cas :

L’homme qui aime une femme, qui s’efforce de la conquérir, qui l’obtient et qui la prend, contracte vis-à-vis de lui-même et vis-à-vis d’elle un engagement sacré. Il s’agit, bien entendu, d’une femme comme vous, et non d’une femme au cœur ouvert, au cœur facile.

Le mariage, qui a une grande valeur sociale, une grande valeur légale, ne possède à mes yeux qu’une très légère valeur morale, étant données les conditions où il a lieu généralement.

Donc, quand une femme, attachée par ce lien juridique, mais qui n’aime pas son mari, qui ne peut l’aimer, dont le cœur est libre, rencontre un homme qui lui plaît, et se donne à lui, quand un homme sans liaison prend une femme ainsi,