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L’ORPHELIN

biles et silencieux, il lui faisait peur quelquefois. Elle voulait le réveiller, dire quelque chose, n’importe quoi, pour sortir de ce silence effrayant comme les ténèbres d’un bois. Mais il ne paraissait plus l’entendre, et elle frémissait d’une terreur de pauvre femme faible quand elle lui avait parlé cinq ou six fois de suite sans obtenir un mot.

Qu’avait-il ? Que se passait-il en cette tête fermée ? Quand elle était demeurée ainsi deux ou trois heures en face de lui, elle se sentait devenir folle, prête à fuir, à se sauver dans la campagne, pour éviter ce muet et éternel tête-à-tête, et, aussi, un danger vague qu’elle ne soupçonnait pas, mais qu’elle sentait.

Elle pleurait souvent, toute seule.

Qu’avait-il ? Qu’elle témoignât un désir, il l’exécutait sans murmurer. Qu’elle eût besoin de quelque chose à la ville, il s’y rendait aussitôt. Elle n’avait pas à se plaindre de lui, non certes ! Cependant…

Une année encore s’écoula, et il lui sembla qu’une nouvelle modification s’était accomplie dans l’esprit mystérieux du jeune homme. Elle