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L’ORPHELIN

pressement, espérant leur part, un tiers sans doute, si on divisait également sa succession.

Elle était heureuse, très heureuse, à toute heure occupée de son enfant. Elle lui acheta des livres pour lui orner l’esprit, et il se mit à lire passionnément.

Le soir, maintenant, il ne montait plus sur ses genoux, pour la calmer comme autrefois ; mais il s’asseyait vivement sur sa petite chaise au coin de la cheminée, et il ouvrait un volume. La lampe posée au bord de la tablette, au-dessus de sa tête, éclairait ses cheveux bouclés et un morceau de la chair du front ; il ne remuait plus, il ne relevait pas les yeux, il ne faisait pas un geste, il lisait, entré, disparu tout entier dans l’aventure du livre.

Elle, assise en face de lui, le contemplait d’un regard ardent et fixe, étonnée de son attention, jalouse, prête à pleurer souvent.

Elle lui disait par instants : « Tu vas te fatiguer, mon trésor ! » espérant qu’il relèverait la tête et viendrait l’embrasser ; mais il ne répondait même pas, il n’avait pas entendu, il n’avait