Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/201

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
197
ROUERIE

pour longtemps en ce pays, je ne reviendrai en France qu’après ma délivrance. »

Et, au bout de huit mois environ, je recevais de Venise ces seuls mots : « C’est un garçon. »

Quelque temps après, elle entra brusquement un matin, dans mon cabinet, plus fraîche et plus jolie que jamais, et se jeta dans mes bras.

Et notre tendresse ancienne recommença.

Je quittai le ministère ; elle vint dans mon hôtel de la rue de Grenelle. Souvent, elle me parlait de l’enfant, mais je ne l’écoutais guère ; cela ne me regardait pas. Je lui remettais par moments une somme assez ronde, en lui disant simplement : « Place cela pour lui. »

Deux ans encore s’écoulèrent ; et, de plus en plus, elle s’acharnait à me donner des nouvelles du petit, « de Léon ». Parfois elle pleurait : « Tu ne l’aimes pas ; tu ne veux pas seulement le voir ; si tu savais quel chagrin tu me fais ! »

Enfin, elle me harcela si fort que je lui promis un jour d’aller le lendemain aux Champs-Élysées, à l’heure où elle viendrait l’y promener.

Mais, au moment de partir, une crainte m’arrêta. L’homme est faible et bête ; qui sait ce qui