Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/172

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
168
UNE PASSION.

une espèce de réprobation générale contre le lieutenant Renoldi qui refusait de la revoir, un sentiment unanime de blâme.

On racontait qu’il l’avait abandonnée, trahie, battue. Le colonel, pris de pitié, en dit un mot à son officier par une allusion discrète. Paul d’Henricel alla trouver son ami : « Eh ! sacrebleu, mon bon, on ne laisse pas mourir une femme ; ce n’est pas propre, cela. »

L’autre, exaspéré, fit taire son ami, qui prononça le mot infamie. Ils se battirent. Renoldi fut blessé, à la satisfaction générale, et garda longtemps le lit.

Elle le sut, l’en aima davantage, croyant qu’il s’était battu pour elle ; mais, ne pouvant quitter sa chambre, elle ne le revit pas avant le départ du régiment.

Il était depuis trois mois à Lille quand il reçut, un matin, la visite d’une jeune femme, la sœur de son ancienne maîtresse.

Après de longues souffrances et un désespoir qu’elle n’avait pu vaincre, Mme Poinçot allait mourir. Elle était condamnée sans espoir. Elle le voulait voir une minute, rien qu’une