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UNE PASSION

« Je t’aime » ; et s’abattait à ses genoux pour le contempler longtemps dans une pose d’adoration. Sous ce regard obstiné, il s’exaspérait enfin, la voulait relever. « Voyons, assieds-toi, causons. » Elle murmurait : « Non, laisse-moi », et restait là, l’âme en extase.

Il disait à son ami d’Henricel : « Tu sais, je la battrai. Je n’en veux plus, je n’en veux plus. Il faut que ça finisse ; et tout de suite ! » Puis il ajoutait : « Qu’est-ce que tu me conseilles de faire ? » L’autre répondait : « Romps. » Et Renoldi ajoutait en haussant les épaules : « Tu en parles à ton aise, tu crois que c’est facile de rompre avec une femme qui vous martyrise d’attentions, qui vous torture de prévenances, qui vous persécute de sa tendresse, dont l’unique souci est de vous plaire, et l’unique tort de s’être donnée malgré vous. »

Mais voilà qu’un matin, on apprit que le régiment allait changer de garnison ; Renoldi se mit à danser de joie. Il était sauvé ! sauvé sans scènes, sans cris ! Sauvé !… Il ne s’agissait plus que de patienter deux mois !… Sauvé !…

Le soir, elle entra chez lui, plus exaltée encore