Page:Maupassant - Le Père Milon, 1899.djvu/153

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
149
CLAIR DE LUNE

Souriant d’un sourire triste, d’un sourire malade, l’autre répondit :

— Mais rien, je t’assure. Tu regardes mes cheveux blancs ?

Mais Mme Roubère la saisit impétueusement par les épaules, et, la fouillant du regard, elle répéta :

— Qu’as-tu ? dis-moi ce que tu as. Et si tu mens, je le verrai bien.

Elles demeuraient face à face, et Mme Henriette, qui devenait pâle à défaillir, avait des larmes au coin de ses yeux baissés.

La sœur répéta :

— Que t’est-il arrivé ? Qu’as-tu ? Réponds-moi ?

Alors, d’une voix vaincue, l’autre murmura :

— J’ai… j’ai un amant.

Et, jetant son front sur l’épaule de sa cadette, elle sanglota.

Puis, quand elle se fut un peu calmée, quand les sursauts de sa poitrine s’apaisèrent, elle se mit à parler tout à coup, comme pour rejeter d’elle ce secret, vider cette douleur en un cœur ami.