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UN BANDIT CORSE

tous les sommets sont en porphyre ; et le ciel au-dessus semble violet, lilas, décoloré par le voisinage de ces étranges montagnes. Plus bas le granit est gris scintillant, et sous nos pieds il semble râpé, broyé ; nous marchons sur de la poudre luisante. À notre droite, dans une longue et tortueuse ornière, un torrent tumultueux gronde et court. Et on chancelle sous cette chaleur, dans cette lumière, dans cette vallée brûlante, aride, sauvage, coupée par ce ravin d’eau turbulente qui semble se hâter de fuir, impuissante à féconder ces rocs, perdue en cette fournaise qui la boit avidement sans en être jamais pénétrée et rafraîchie.

Mais soudain apparut à notre droite une petite croix de bois enfoncée dans un petit tas de pierres. Un homme avait été tué là, et je dis à mon compagnon :

— Parlez-moi donc de vos bandits.

Il reprit :

— J’ai connu le plus célèbre, le plus terrible, Sainte-Lucie, je vais vous conter son histoire.

Son père avait été tué dans une querelle, par un jeune homme du même pays, disait-on ; et