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Il s’indignait de l’injustice du sort et s’en prenait aux hommes, à tous les hommes, de ce que la nature, la grande mère aveugle, est inéquitable, féroce et perfide.

Il répétait, les dents serrées : « Tas de cochons ! » en regardant la mince fumée grise qui sortait des toits, à cette heure du dîner. Et, sans réfléchir à cette autre injustice, humaine, celle-là, qui se nomme violence et vol, il avait envie d’entrer dans une de ces demeures, d’assommer les habitants et de se mettre à table, à leur place.

Il disait : « J’ai pas le droit de vivre, maintenant… puisqu’on me laisse crever de faim… je ne demande qu’à travailler, pourtant… tas de cochons ! » Et la souffrance de ses membres, la souffrance de son ventre, la souffrance de son cœur lui montaient à la tête comme une ivresse redoutable, et faisaient naître, en son cerveau, cette idée simple : « J’ai le droit de