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Puis, quand il eut fini, il se mit à trépigner pour en obtenir encore.

Pris de pitié devant la torture de ce Tantale attendrissant et ridicule, j’implorai pour lui : « Voyons, donne-lui encore un peu de riz ? »

Simon répondit : « Oh ! non, mon cher, s’il mangeait trop, à son âge, ça pourrait lui faire mal. »

Je me tus, rêvant sur cette parole. O morale, ô logique, ô sagesse ! A son âge ! Donc, on le privait du seul plaisir qu’il pouvait encore goûter, par souci de sa santé ! Sa santé ! qu’en ferait-il, ce débris inerte et tremblotant ? On ménageait ses jours, comme on dit ? Ses jours ? Combien de jours, dix, vingt, cinquante ou cent ? Pourquoi ? Pour lui ? ou pour conserver plus longtemps à la famille le spectacle de sa gourmandise impuissante ?

Il n’avait plus rien à faire en cette vie, plus rien. Un seul désir lui restait, une seule joie ; pourquoi ne pas lui donner entièrement cette joie dernière, la lui donner jusqu’à ce qu’il en mourût.

Puis, après une longue partie de cartes, je montai dans ma chambre pour me coucher : j’étais triste, triste, triste !

Et je me mis à ma fenêtre. On n’entendait rien au dehors qu’un très léger, très doux,