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Quelle étrange sensation, quand on pénètre dans Marseille ! On était habitué, jusque-là, à rencontrer, de temps en temps, un Marseillais dont la voix chantante amusait comme une bonne farce. Quand on se trouvait, par le plus grand des hasards, entre deux Marseillais pur-sang, on riait aux larmes, comme lorsqu’on écoute un gai dialogue du Palais-Royal.

Et voilà qu’on tombe dans un pays où tout le monde parle marseillais. On reste d’abord interdit, inquiet, persuadé qu’on est l’objet d’une scie générale, prêt à se fâcher quand un cocher vous dit : « Té, mon bon. » Puis, pécairé ! on en prend son parti ; et on se met à parler comme tout le monde, trou de l’air ! pour ne pas se faire remarquer, zé vous crois !

Il en est de même aujourd’hui dans les soirées officielles ; et, quand on vous offre une glace, vous vous écriez naturellement « Une glace ? Dé quoi ? De l’oranze, mon bon ! Ze ne prends zamais que de la fraize. »