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Le duel est la sauvegarde des suspects. Les douteux, les véreux, les compromis essayent par là de se refaire une virginité d’occasion. Aussi n’est-on plus difficile aujourd’hui sur les antécédents d’un adversaire.

L’honneur ! oh ! pauvre vieux mot d’autrefois, quel pitre on a fait de toi !

Comme on te blanchit, comme on te lave, comme on te répare, comme on te retape, comme on te déclare satisfait après les rencontres à main armée de Robert Macaire et de Bertrand !

Eh bien ! malgré toutes ces réparations d’honneur, tous ces honneurs lavés, sauvés et satisfaits au dire des témoins compétents, il ne s’en porte pas mieux, l’Honneur ! Mais ne parlons point des absents.



Le peuple anglais est un grand peuple, un vrai peuple, d’aplomb dans la vie, bien debout dans la réalité ; un peuple de gentlemen, de commerçants irréprochables, un peuple sain, fort et honorable. Il est de plus aujourd’hui un peuple de philosophes ; les plus hauts penseurs du siècle sont chez lui ; il est un peuple de progrès et un peuple de travailleurs.

Mais le gentilhomme anglais ne se bat pas. Je veux dire qu’il ne se bat pas en duel et qu’il tient ce genre d’exercice en grand mépris, jugeant la vie humaine respectable, utile au pays. Il est vrai que la vie humaine ne court pas grands risques dans les rencontres dont nous parlent chaque jour les journaux.

L’Anglais comprend autrement le courage. Il n’admet que le courage utile, soit à la patrie, soit à ses concitoyens. Il possède éminemment l’esprit pratique.