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front une couronne de métal, symbole de l’innocence. On dirait des vieilles, très vieilles, tant elles grimacent. Elles ont seize ans, dix-huit ans, vingt ans. Quelle horreur !

Mais nous arrivons dans une galerie pleine de petits cercueils de verre — ce sont les enfants. Les os, à peine durs, n’ont pas pu résister. Et on ne sait pas bien ce qu’on voit, tant ils sont déformés, écrasés et affreux, les misérables gamins. Mais les larmes vous montent aux yeux, car les mères les ont vêtus avec les petits costumes qu’ils portaient aux derniers jours de leur vie. Et elles viennent les revoir ainsi, leurs enfants !

Souvent, à côté du cadavre, est suspendue une photographie, qui le montre tel qu’il était, et rien n’est plus saisissant, plus terrifiant que ce contraste, que ce rapprochement, que les idées éveillées en nous par cette comparaison.

Nous traversons une galerie plus sombre, plus basse, qui semble réservée aux pauvres. Dans un coin noir, ils sont une vingtaine ensemble, suspendus sous une lucarne, qui leur jette l’air du dehors par grands souffles brusques. Ils sont vêtus d’une sorte de toile noire nouée aux pieds et au cou, et penchés les uns sur les autres. On dirait qu’ils grelottent, qu’ils veulent se sauver,