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il y a huit ans ? Cela vivait, riait, parlait, mangeait, buvait, était plein de joie et d’espoir. Et le voilà ! Devant cette double ligne d’êtres innombrables, des cercueils et des caisses sont entassées, des cercueils de luxe en bois noir, avec des ornements de cuivre et de petits carreaux pour voir dedans. On croirait que ce sont des malles, des valises de sauvages achetées en quelque bazar par ceux qui partent pour le grand voyage, comme on aurait dit autrefois.

Mais d’autres galeries s’ouvrent à droite et à gauche, prolongeant indéfiniment cet immense cimetière souterrain.

Voici les femmes plus burlesques encore que les hommes, car on les a parées avec coquetterie. Les têtes vous regardent, serrées en des bonnets à dentelles et à rubans, d’une blancheur de neige autour de ces visages noirs, pourris, rongés par l’étrange travail de la terre. Les mains, pareilles à des racines d’arbres coupées, sortent des manches de la robe neuve, et les bas semblent vides qui enferment les os des jambes. Quelquefois le mort ne porte que des souliers, de grands, grands souliers pour ces pauvres pieds secs.

Voici les jeunes filles, les hideuses jeunes filles, en leur parure blanche, portant autour du