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menses mosaïques à fond d’or, luisant d’une clarté douce et éclairant le monument entier d’une lumière sombre, entraînant aussitôt la pensée en des paysages bibliques et divins où l’on voit, debout dans un ciel de feu, tous ceux qui furent mêlés à la vie de l’Homme-Dieu.

Ce qui fait si violente l’impression produite par ces monuments siciliens, c’est que l’art de la décoration y est plus saisissant au premier coup d’œil que l’art de l’architecture.

L’harmonie des lignes et des proportions n’est qu’un cadre à l’harmonie des nuances.

On éprouve, en entrant dans nos cathédrales gothiques, une sensation sévère, presque triste. Leur grandeur est imposante, leur majesté frappe, mais ne séduit pas. Ici, on est conquis, ému, par ce quelque chose de presque sensuel que la couleur ajoute à la beauté des formes.

Les hommes, qui conçurent et exécutèrent ces églises lumineuses et sombres pourtant, avaient certes une idée tout autre du sentiment religieux que les architectes des cathédrales allemandes ou françaises ; et leur génie spécial s’inquiéta, surtout, de faire entrer le jour dans ces nefs si merveilleusement décorées, de façon qu’on ne le sentît pas, qu’on ne le vît point, qu’il s’y glissât,