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une gorge cachée, presque introuvable, pleine d’arbres, de sapins, d’oliviers, de châtaigniers. Un tout petit village, Porto-Fino, se développe en demi-lune autour de ce calme bassin.

Nous traversons lentement le passage étroit qui relie à la grande mer ce ravissant port naturel, et nous pénétrons dans ce cirque de maisons couronné par un bois d’un vert puissant et frais, refletés l’un et l’autre dans le miroir d’eau tranquille et rond où semblent dormir quelques barques de pêche.

Une d’elles vient à nous montée par un vieil homme. Il nous salue, nous souhaite la bienvenue, indique le mouillage, prend une amarre pour la porter à terre, revient offrir ses services, ses conseils, tout ce qu’il nous plaira de lui demander, nous fait enfin les honneurs de ce hameau de pêche. C’est le maître de port.

Jamais peut-être, je n’ai senti une impression de béatitude comparable à celle de l’entrée dans cette crique verte, et un sentiment de repos, d’apaisement, d’arrêt de l’agitation vaine où se débat la vie, plus fort et plus soulageant que celui qui m’a saisi quand le bruit de l’ancre tombant eut dit à tout mon être ravi que nous étions fixés là.