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puis recommence la plaine marécageuse, où on marche souvent sur des carapaces de petites tortues, puis toujours la lande où pâturent des chameaux. Derrière nous, la ville, les dômes, les mosquées, les minarets se dressent dans cette solitude morne comme un mirage du désert, puis peu à peu s’éloignent et disparaissent.

Après plusieurs heures de marche, la première halte a lieu près d’une koubba, dans un massif d’oliviers, nous sommes à Sidi-L’Hanni, et je n’ai jamais vu le soleil faire d’une coupole blanche une plus étonnante merveille de couleur. Est-elle blanche ? — Oui, — blanche à aveugler ! et pourtant la lumière se décompose si étrangement sur ce gros oeuf, qu’on y distingue une féerie de nuances mystérieuses, qui semblent évoquées plutôt qu’apparues, illusoires plus que réelles, et si fines, si délicates, si noyées dans ce blanc de neige qu’elles ne s’y montrent pas tout de suite, mais après l’éblouissement et la surprise du premier regard. Alors on n’aperçoit plus qu’elles, si nombreuses, si diverses, si puissantes et presque invisibles pourtant ! Plus on regarde, plus elles s’accentuent. Des ondes d’or coulent sur ces contours, secrètement éteintes dans un bain lilas léger comme une buée, que traversent par places