Page:Maupassant - La Vie errante.djvu/213

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de Sidi-Okba, dont le haut minaret domine la ville et le désert qui l’isole du monde. Elle nous apparaît soudain, au détour d’une rue. C’est un immense et pesant bâtiment soutenu par d’énormes contreforts, une masse blanche, lourde, imposante, belle d’une beauté inexplicable et sauvage. En y pénétrant apparaît d’abord une cour magnifique enfermée par un double cloître que supportent deux lignes élégantes de colonnes romaines et romanes. On se croirait dans l’intérieur d’un beau monastère d’Italie.

La mosquée proprement dite est à droite, prenant jour sur cette cour par dix-sept portes à double battant, que nous faisons ouvrir toutes grandes avant d’entrer.

Je ne connais par le monde que trois édifices religieux qui m’aient donné l’émotion inattendue et foudroyante de ce barbare et surprenant monument : le mont Saint-Michel, Saint-Marc de Venise, et la chapelle Palatine à Palerme.

Ceux-là sont les oeuvres raisonnées, étudiées, admirables, de grands architectes sûrs de leurs effets, pieux sans doute, mais artistes avant tout, qu’inspira l’amour des lignes, des formes et de la beauté décorative, autant et plus que l’amour de Dieu. Ici c’est autre chose. Un peuple fana-