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Le frisson savoureux de ce tiède refroidissement de l’air courait sur les membres, entrait dans les poumons, béatifiait le corps et l’esprit en leur immobilité.

Sont-ils plus heureux ou plus malheureux ceux qui reçoivent leurs sensations par toute la surface de leur chair autant que par leurs yeux, leur bouche, leur odorat ou leurs oreilles ?

C’est une faculté rare et redoutable, peut-être, que cette excitabilité nerveuse et maladive de l’épiderme et de tous les organes qui fait une émotion des moindres impressions physiques et qui, suivant les températures de la brise, les senteurs du sol et la couleur du jour, impose des souffrances, des tristesses et des joies.

Ne pas pouvoir entrer dans une salle de théâtre, parce que le contact des foules agite inexplicablement l’organisme entier, ne pas pouvoir pénétrer dans une salle de bal parce que la gaieté banale et le mouvement tournoyant des valses irrite comme une insulte, se sentir lugubre à pleurer ou joyeux sans raison suivant la décoration, les tentures et la décomposition de la lumière dans un logis, et rencontrer quelquefois par des combinaisons de perceptions, des satisfactions physiques que rien ne peut révéler aux