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Mais il existe sur une autre côte de l’île, ou plutôt à quelques heures de la côte, un si prodigieux phénomène naturel, qu’on oublie, quand on l’a vu, ces mines empoisonnées où l’on tue des enfants. Je veux parler du Volcano, fantastique fleur de soufre, éclose en pleine mer. On part de Messine, à minuit, dans un malpropre bateau à vapeur, où les passagers des premières ne trouvent même pas de bancs pour s’asseoir sur le pont. Aucun souffle de brise ; seule la marche du bâtiment trouble l’air calme endormi sur l’eau.

Les rives de Sicile et les rives de la Calabre exhalent une si puissante odeur d’orangers fleuris, que le détroit tout entier en est parfumé comme une chambre de femme. Bientôt, la ville s’éloigne, nous passons entre Charybde et Scylla, les montagnes s’abaissent derrière nous, et, au-dessus d’elles, apparaît la cime écrasée et neigeuse de l’Etna, qui semble coiffé d’argent sous la clarté de la pleine lune.

Puis on sommeille un peu, bercé par le bruit monotone de l’hélice, pour rouvrir les yeux à la lumière du jour naissant.

Voici, là-bas, en face de nous, les Lipari. La