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à sa figure, et il riait en la voyant. Elle l’emportait dans la campagne, courait affolée en le tenant au bout de ses mains, s’asseyait sous l’ombre des arbres ; puis, pour la première fois de sa vie, et bien qu’il ne l’entendît point, elle ouvrait son cœur à quelqu’un, lui racontait ses chagrins, ses travaux, ses soucis, ses espérances, et elle le fatiguait sans cesse par la violence et l’acharnement de ses caresses.

Elle prenait une joie infinie à le pétrir dans ses mains, à le laver, à l’habiller ; et elle était même heureuse de nettoyer ses saletés d’enfant, comme si ces soins intimes eussent été une confirmation de sa maternité. Elle le considérait, s’étonnant toujours qu’il fût à elle, et elle se répétait à demi-voix, en le faisant danser dans ses bras : « C’est mon petiot, c’est mon petiot. »

Elle sanglota toute la route en retournant à la ferme, et elle était à peine revenue que son maître l’appela dans sa chambre. Elle s’y rendit, très étonnée et fort émue sans savoir pourquoi.