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LA MAIN GAUCHE.

sa mère à lui dire adieu. Avec cette espèce de pressentiment qu’ont parfois les moribonds, il avait tout compris, tout deviné et il disait : « Si elle n’ose pas entrer, priez-la seulement de venir par le balcon jusqu’à ma fenêtre pour que je la voie, au moins, pour que je lui dise adieu d’un regard puisque je ne puis pas l’embrasser. »

Le médecin et l’abbé retournèrent encore vers cette femme : « Vous ne risquerez rien, affirmaient-ils, puisqu’il y aura une vitre entre vous et lui. »

Elle consentit, se couvrit la tête, prit un flacon de sels, fit trois pas sur le balcon, puis soudain, cachant sa figure dans ses mains, elle gémit : « Non…, non…, je n’oserai jamais le voir… jamais…, j’ai trop de honte…, j’ai trop peur…, non…, je ne peux pas. »

On voulut la traîner, mais elle tenait à pleines mains les barreaux et poussait de telles plaintes que les passants, dans la rue, levaient la tête.

Et le mourant attendait, les yeux tournés vers cette fenêtre, il attendait, pour mourir, qu’il eût vu une dernière fois la figure douce et bien-aimée, le visage sacré de sa mère.

Il attendit longtemps, et la nuit vint. Alors