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Il faudrait aimer, aimer éperdument, sans voir ce qu’on aime. Car voir c’est comprendre, et comprendre c’est mépriser. Il faudrait aimer, en s’enivrant d’elle comme on se grise de vin, de façon à ne plus savoir ce qu’on boit. Et boire, boire, boire sans reprendre haleine, jour et nuit !

 

J’ai trouvé, je crois. Elle a dans toute sa personne quelque chose d’idéal qui ne semble point de ce monde et qui donne des ailes à mon rêve. Ah ! mon rêve, comme il me montre les êtres différents de ce qu’ils sont. Elle est blonde, d’un blond léger, avec des cheveux qui ont des nuances inexprimables. Ses yeux sont bleus ! Seuls les yeux bleus emportent mon âme. Toute la femme, la femme qui existe au fond de mon cœur, m’apparaît dans l’œil, rien que dans l’œil.

Oh ! mystère ! Quel mystère ? L’œil ?… Tout l’univers est en lui, puisqu’il le voit, puisqu’il le reflète. Il contient l’univers, les choses et les êtres, les forêts et les océans, les hommes et les bêtes, les couchers de soleil, les étoiles, les arts, tout, tout, il voit, cueille et emporte tout ; et il y a plus encore en lui, il y a l’âme, il y a l’homme qui pense,