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dorées ; d’autres égayent, bien que tenturées d’étoffes calmes. Notre œil, comme notre cœur, a ses haines et ses tendresses, dont souvent il ne nous fait point part, et qu’il impose secrètement, furtivement, à notre humeur. L’harmonie des meubles, des murs, le style d’un ensemble agissent instantanément sur notre nature intellectuelle comme l’air des bois, de la mer ou de la montagne modifie notre nature physique.

Je m’assis sur un divan disparu sous les coussins, et je me sentis soudain soutenu, porté, capitonné par ces petits sacs de plume couverts de soie, comme si la forme et la place de mon corps eussent été marquées d’avance sur ce meuble.

Puis je regardai. Rien d’éclatant dans la pièce ; partout de belles choses modestes, des meubles simples et rares, des rideaux d’Orient qui ne semblaient pas venir du Louvre, mais de l’intérieur d’un harem, et, en face de moi, un portrait de femme. C’était un portrait de moyenne grandeur, montrant la tête et le haut du corps, et les mains qui tenaient un livre. Elle était jeune, nu-tête, coiffée de bandeaux plats, souriant un peu tristement. Est-ce parce qu’elle avait la tête nue, ou bien par l’impression