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dans l’oreille, pour se frotter à leur peau, à toutes leurs sales peaux avec leurs odeurs et leurs poudres et leurs pommades… Ah ! c’est du propre ! Allez, j’en ai eu une vie, moi, monsieur, depuis quarante ans que cela dure… Mais faut le coucher d’abord pour qu’il ne prenne pas mal. Ça ne vous ferait-il rien de m’aider ? Quand il est comme ça, je n’en finis pas, toute seule.

Le vieux était assis sur son lit, l’air ivre, ses longs cheveux blancs tombés sur le visage.

Sa compagne le regardait avec des yeux attendris et furieux. Elle reprit :

— Regardez s’il n’a pas une belle tête pour son âge ; il faut qu’il se déguise en polisson pour qu’on le croie jeune. Si c’est pas une pitié ! Vrai, qu’il a une belle tête, monsieur ? Attendez, j’vais vous la montrer avant de le coucher.

Elle alla vers une table qui portait la cuvette, le pot à eau, le savon, le peigne et la brosse. Elle prit la brosse, puis revint vers le lit et relevant toute la chevelure emmêlée du pochard, elle lui donna, en quelques instants, une figure de modèle de peintre, à grandes boucles tombant sur le cou. Puis, reculant afin de le contempler