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la plus nette, une voix, une voix forte, sonore, roulante, la voix de Patin, qui criait :

— Te lèveras-tu, charogne !

Son épouvante fut telle qu’elle se cacha la tête sous ses draps, car, chaque matin, jadis, dès qu’il avait ouvert les yeux, son défunt les lui hurlait dans l’oreille, ces quatre mots qu’elle connaissait bien.

Tremblante, roulée en boule, le dos tendu à la rosée quelle attendait déjà, elle murmurait, la figure cachée dans la couche :

— Dieu Seigneur, le v’là ! Dieu Seigneur, le v’là ! Il est r’venu, Dieu Seigneur !

Les minutes passaient ; aucun bruit ne troublait plus le silence de la chambre. Alors, en frémissant, elle sortit sa tête du lit, sûre qu’il était là, guéttant, prêt à battre.

Elle ne vit rien, rien qu’un trait de soleil passant par la vitre et elle pensa :

— Il est caché, pour sûr.

Elle attendit longtemps, puis, un peu rassurée, songea :

— Faut croire que j’ai rêvé, puisqu’il n’se montre point.

Elle refermait les yeux, un peu rassurée, quand éclata, tout près, la voix furieuse, la voix de tonnerre du noyé qui vociférait :