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s’habitua si bien à la figure de Désirée qu’il y pensait même à la mer, quand il jetait ses filets à l’eau, au grand large, par les nuits de vent ou les nuits de calme, par les nuits de lune ou les nuits de ténèbres. Il y pensait en tenant sa barre, à l’arrière de son bateau, tandis que ses quatre compagnons sommeillaient, la tête sur leur bras. Il la voyait toujours lui sourire, verser l’eau-de-vie jaune avec un mouvement de l’épaule, et puis s’en aller en disant :

— Voilà ! Êtes-vous satisfait ?

Et, à force de la garder ainsi dans son œil et dans son esprit, il fut pris d’une telle envie de l’épouser, que, n’y pouvant plus tenir, il la demanda en mariage.

Il était riche, propriétaire de son embarcation, de ses filets et d’une maison au pied de la côte sur la Retenue ; tandis que le père Auban n’avait rien. Il fut donc agréé avec empressement, et la noce eut lieu le plus vite possible, les deux parties ayant hâte que la chose fût faite, pour des raisons différentes.

Mais, trois jours après le mariage conclu, Patin ne comprenait plus du tout comment il avait pu croire Désirée différente des autres femmes.. Vrai, fallait-il qu’il eût été bête pour