Page:Maupassant - L’Inutile Beauté, OC, Conard, 1908.djvu/130

Cette page n’a pas encore été corrigée

malgré nos cris et nos efforts ; et vingt fois, sans nos bras tendus pour la saisir, elle serait tombée.

Ce jour-là, elle eut l’imprudence de vouloir débarquer avant que le bateau fût arrêté, par une de ces bravades où se tuent parfois les athlètes malades ou fatigués.

Juste au moment où nous allions accoster, sans qu’on pu prévoir ou revenir son mouvement, elle se dressa, prit son élan et essaya de sauter sur le quai.

Trop faible, elle ne toucha que du bout du pied le bord de la pierre, glissa, heurta de tout son ventre l’angle aigu, poussa un grand cri et disparut dans l’eau.

Nous plongeâmes tous les cinq en même temps pour ramener un pauvre être défaillant, pâle comme une morte et qui souffrait déjà d’atroces douleurs.

Il fallut la porter bien vite dans l’auberge la plus voisine, où un médecin fut appelé.

Pendant dix heures que dura la fausse couche elle supporta avec un courage d’héroïne d’abominables tortures. Nous nous désolions autour d’elle, enfiévrés d’angoisse et de peur.

Puis on la délivra d’un enfant mort ; et pendant