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Ainsi qu’Henry IV entre les deux avocats, on est vivement frappé par les arguments des deux partis. Après avoir entendu l’un, on se dit : « Il a raison. » Après avoir écouté l’autre, on se dit : « Il n’a pas tort. » Puis, tout seul, on pense : « Il faudrait pourtant voir clair. » Ne se pourrait-il point qu’on eût un peu confondu ?

Il y a l’esprit qui blanchit en vieillissant, comme le chocolat Ménier. Il y en a un autre qui ne blanchit pas.

C’est un peu comme tout le reste. Ce qui passe, c’est l’esprit à la mode, la saillie, le mot ; parce que cet esprit-là est tout d’actualité, qu’il se rapporte à des choses du moment, du jour ou de la veille. C’est ce qu’on pourrait appeler l’esprit courant.

Ce qui demeure, c’est l’esprit, dans le sens large du mot, l’esprit français, ce grand souffle ironique ou gai répandu sur notre peuple depuis qu’il pense et qu’il parle ; c’est la verve terrible de Montaigne et de Rabelais, l’arme aiguë de Voltaire et de Beaumarchais, le fouet de Saint-Simon.