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charmante, mi-paysanne et moitié dame, me traita comme un frère, comme un intime et vieil ami.

Au moment de la quitter, je l’attirai dans ma chambre, et tout en établissant minutieusement que je ne voulais point lui faire de cadeau, j’insistai, me fâchant même, pour lui envoyer de Paris, dès mon retour, un souvenir de mon passage.

Elle résista longtemps, ne voulant point accepter. Enfin, elle consentit. « Eh bien, dit-elle, envoyez-moi un petit revolver, un tout petit. » J’ouvris de grands yeux. Elle ajouta plus bas, confidentiellement, comme on confie un doux et intime secret : « C’est pour tuer mon beau-frère. » Cette fois, je fus effaré. Alors elle déroula vivement les bandes qui enveloppaient le bras dont elle ne se servait point, et me montrant la chair ronde et blanche traversée de part en part d’un coup de stylet presque cicatrisé : « Si je n’avais pas été aussi forte que lui, dit-elle, il m’aurait tuée. Mon mari n’est pas jaloux, lui, il me con-