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laissait renaître en elle l’espoir instinctif et providentiel dont s’éclairent et dont vivent jusqu’à leurs derniers jours le cœur et le sourire des hommes.

Chaque matin maintenant, dès qu’elle avait quitté son lit, elle se sentait dominée par un désir puissant de prier Dieu, d’obtenir de lui un peu de soulagement et de consolation.

Elle s’agenouillait alors devant un grand Christ de chêne, cadeau d’Olivier, œuvre rare découverte par lui, et les lèvres closes, implorant avec cette voix de l’âme dont on se parle à soi-même, elle poussait vers le martyr divin une douloureuse supplication. Affolée par le besoin d’être entendue et secourue, naïve en sa détresse comme tous les fidèles à genoux, elle ne pouvait douter qu’il l’écoutât, qu’il fût attentif à sa requête et peut-être touché pour sa peine. Elle ne lui demandait pas de faire pour elle ce que jamais il n’a fait pour personne, de lui laisser jusqu’à sa mort le charme, la fraîcheur et la grâce, elle lui demandait seulement un peu de repos et de répit. Il fallait bien qu’elle vieillît, comme il fallait qu’elle mourût ! Mais pourquoi si vite ? Des femmes restaient belles si tard ? Ne pouvait-il lui accorder d’être une de celles-là ? Comme il serait bon, Celui qui avait aussi tant souffert, s’il lui abandonnait seulement pendant deux ou trois ans encore le reste de séduction qu’il lui fallait pour plaire !