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et que son affection pour elle s’étaient ranimés à la vue de sa jeunesse ressuscitée.

Annette repartit chercher des fleurs. Olivier ne la rappelait plus, comme si le contact de son bras et la satisfaction de la joie donnée par lui l’eussent apaisé, mais il la suivait en tous ses mouvements, avec le plaisir qu’on éprouve à voir les êtres ou les choses qui captivent nos yeux et les grisent. Quand elle revenait, apportant une gerbe, il respirait plus fortement, cherchant, sans y songer, quelque chose d’elle, un peu de son haleine ou de la chaleur de sa peau dans l’air remué par sa course. Il la regardait avec ravissement, comme on regarde une aurore, comme on écoute de la musique, avec des tressaillements d’aise quand elle se baissait, se redressait, levait les deux bras en même temps pour remettre en place sa coiffure. Et puis, de plus en plus, d’heure en heure, elle activait en lui l’évocation de l’autrefois ! Elle avait des rires, des gentillesses, des mouvements qui lui mettaient sur la bouche le goût des baisers donnés et rendus jadis ; elle faisait du passé lointain, dont il avait perdu la sensation précise, quelque chose de pareil à un présent rêvé ; elle brouillait les époques, les dates, les âges de son cœur, et rallumant des émotions refroidies, mêlait, sans qu’il s’en doutât, hier avec demain, le souvenir avec l’espérance.

Il se demandait en fouillant sa mémoire si la