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4 contes du jour et de la nuit  

Donc la distribution serait vite faite ; il pourrait même flaner un peu en route et rentrer chez lui vers trois heures de relevée. Quelle chance !

Il sortit du bourg par le chemin de Sennemare et commença sa besogne. On était en juin, dans le mois vert et fleuri, le vrai mois des plaines.

L’homme, vêtu de sa blouse bleue et coiffé d’un képi noir à galon rouge, traversait par des sentiers étroits les champs de colza, d’avoine ou de blé, enseveli jusqu’aux épaules dans les récoltes ; et sa tête, passant au-dessus des épis, semblait flotter sur une mer calme et verdoyante qu’une brise légère faisait mollement onduler.

Il entrait dans les fermes par la barrière de bois plantée dans les talus qu’ombrageaient deux rangées de hêtres, et saluant par son nom le paysan : « Bonjour, maît’ Chicot, » il lui tendait son journal le Petit Normand. Le fermier essuyait sa main à son fond de culotte, recevait la feuille de papier et la glissait dans