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prendre son fils dans ses bras, de le couvrir de baisers, de l’emporter, de le voler.

Il souffrait affreusement dans son isolement misérable de vieux garçon sans affections ; il souffrait une torture atroce, déchiré par une tendresse paternelle faite de remords, d’envie, de jalousie, et de ce besoin d’aimer ses petits que la nature a mis aux entrailles des êtres.

Il voulut enfin faire une tentative désespérée et, s’approchant d’elle, un jour, comme elle entrait au parc, il lui dit, planté au milieu du chemin, livide les lèvres secouées de frissons :

— Vous ne me reconnaissez pas ?

Elle leva les yeux, le regarda, poussa un cri d’effroi, un cri d’horreur, et, saisissant par les mains ses deux enfants, elle s’enfuit, en les traînant derrière elle.

Il rentra chez lui pour pleurer.

Des mois encore passèrent. Il ne la voyait plus. Mais il souffrait jour et nuit, rongé, dévoré par sa tendresse de père.

Pour embrasser son fils, il serait mort, il