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assez prospère, gagnait pas mal d’argent et ne douta pas une seconde qu’il n’eût été accepté pour lui-même par la jeune fille.

Elle le rendit heureux d’ailleurs. Il ne voyait qu’elle au monde, ne pensait qu’à elle, la regardait sans cesse avec des yeux d’adorateur prosterné. Pendant les repas, il commettait mille maladresses pour ne point détourner son regard du visage chéri, versait le vin dans son assiette et l’eau dans la salière, puis se mettait à rire comme un enfant, en répétant :

— Je t’aime trop, vois-tu ; cela me fait faire un tas de bêtises.

Elle souriait, d’un air calme et résigné ; puis détournait les yeux, comme gênée par l’adoration de son mari, et elle tâchait de le faire parler, de causer de n’importe quoi ; mais il lui prenait la main à travers la table, et la gardait dans la sienne en murmurant :

— Ma petite Jeanne, ma chère petite Jeanne !

Elle finissait par s’impatienter et par dire :