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Adieu ! c’est fini. On ne la verra plus, plus jamais. Adieu la jeune femme qui a passé la nuit à votre côté. On ne la connaît plus, on ne lui a point parlé ; on est tout de même un peu triste de son départ. Adieu !

J’en ai de ces souvenirs de voyage, des gais, des sombres, j’en ai beaucoup.

J’étais en Auvergne, errant à pied dans ces charmantes montagnes françaises, pas trop hautes, pas trop dures, intimes, familières. J’avais grimpé sur le Sancy et j’entrais dans une petite auberge, auprès d’une chapelle à pèlerinage qu’on nomme Notre-Dame-de-Vassivière, quand j’aperçus, déjeunant seule à la table du fond, une vieille femme, étrange et ridicule.

Elle était âgée de soixante-dix ans au moins, grande, sèche, anguleuse, avec des cheveux blancs en boudins sur les tempes, suivant la mode ancienne. Vêtue comme une Anglaise vagabonde d’une façon maladroite et drôle, en personne à qui toute toilette est indifférente, elle mangeait une omelette et buvait de l’eau.

Elle avait un aspect singulier, des yeux inquiets, une physionomie d’être que l’existence a maltraité. Je la regardais malgré moi, me demandant : « Qui est-ce ? Quelle est la vie