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LA ROCHE AUX GUILLEMOTS. 2 1 5 la falaise; et, sur les étroites corniches du roc, des têtes d'oiseaux se montrent, qui regardent les barques. Ils sont là, immobiles, attendant, ne se risquant point à partir encore. Quelques-uns, piqués sur des rebords avancés, ont l'air assis sur leurs derrières, dressés en forme de bou- teille, car ils ont des pattes si courtes qu'ils semblent, quand ils marchent, glisser comme des bêtes à roulettes; et, pour s'envoler, ne pouvant prendre d'élan , il leur faut se laisser tomber comme des pierres, presque jusqu'aux hommes qui les guettent. Ils connaissent leur infirmité et le danger qu'elle leur crée, et ne se décident pas vite à s'enfuir. Mais les matelots se mettent à crier, bat- tent leurs bordages avec les tolets de bois, et les oiseaux, pris de peur, s'élancent un à un, dans le vide, précipités jusqu'au ras de la vague; puis, les ailes battant à coups ra- pides, ils filent, filent et gagnent le large, quand une grêle de plombs ne les jette pas a 1 eau. Pendant une heure on les mitraille ainsi, les forçant à déguerpir l'un après l'autre; et quelquefois les femelles au nid, acharnées à couver, ne s'en vont point, et reçoivent coup sur coup les décharges qui font jaillir sur la