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de nourriture lui descendaient coup sur coup dans l’estomac, gonflant sa gorge en passant. Parfois, il s’interrompait, prêt à crever à la façon d’un tuyau trop plein. Il prenait alors la cruche au cidre et se déblayait l’œsophage comme on lave un conduit bouché.

Il vida toutes les assiettes, tous les plats et toutes les bouteilles ; puis, saoûl de liquide et de mangeaille, abruti, rouge, secoué par des hoquets, l’esprit troublé et la bouche grasse, il déboutonna son uniforme pour souffler, incapable d’ailleurs de faire un pas. Ses yeux se fermaient, ses idées s’engourdissaient ; il posa son front pesant dans ses bras croisés sur la table, et il perdit doucement la notion des choses et des faits.


Le dernier croissant éclairait vaguement l’horizon au-dessus des arbres du parc. C’était l’heure froide qui précède le jour.