Page:Maupassant - Contes de la bécasse, 1894.djvu/259

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Et je me dis que j’ai tué la mère et perdu cet être atrophié, larve d’écurie, éclose et poussée dans le fumier, cet homme qui, élevé comme d’autres, aurait été pareil aux autres.

Et vous ne vous figurez pas la sensation étrange, confuse et intolérable que j’éprouve en face de lui, en songeant que cela est sorti de moi, qu’il tient à moi par ce lien intime qui lie le fils au père, que grâce aux terribles lois de l’hérédité, il est moi par mille choses, par son sang et par sa chair, et qu’il a jusqu’aux mêmes germes de maladies, aux mêmes ferments de passions.

Et j’ai sans cesse un inapaisable et douloureux besoin de le voir ; et sa vue me fait horriblement souffrir ; et de ma fenêtre, là-bas, je le regarde pendant des heures remuer et charrier les ordures des bêtes, en me répétant : « C’est mon fils. »

Et je sens, parfois, d’intolérables envies