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nos lettres

Elle ne me disait rien du tout, cette vieille tante Rose en papillotes, effacée derrière le verre. Elle avait l’air d’une bonne femme d’autrefois, d’une femme à principes et à préceptes, aussi forte sur les maximes de morale que sur les recettes de cuisine, d’une de ces vieilles tantes qui effraient la gaieté et qui sont l’ange morose et ridé des familles de province.


Je n’avais point entendu parler d’elle, d’ailleurs ; je ne savais rien de sa vie ni de sa mort. Datait-elle de ce siècle ou du précédent ? Avait-elle quitté cette terre après une existence plate ou agitée ? Avait-elle rendu au ciel une âme pure de vieille fille, une âme calme d’épouse, une âme tendre de mère ou une âme remuée par l’amour ? Que m’importait ? Rien que ce nom : « tante Rose », me semblait ridicule, commun, vilain.

Je pris un des flambeaux pour regarder son visage sévère, haut suspendu dans un ancien cadre de bois doré. Puis, l’ayant trouvé insignifiant, désagréable, antipathique même, j’examinai l’ameublement. Il datait, tout entier, de la fin de Louis XVI, de la Révolution et du Directoire.